Editions : Liana Levi
Pas exactement un polar…un roman noir ? Je n’en suis pas certaine non plus. C’est en tout cas un livre que j’ai beaucoup aimé.
New-York… Nuovaiocche, comme disent ces siciliens qui débarquent en nombre au début du XXème siècle. Tout est différent sur ce continent, tout sauf la mafia qui continue à distribuer le droit de vie ou de mort. Willy Melodia, jeune pianiste virtuose à l’oreille absolue, est un de ces pauvres hères, exilé, débarqué en Amérique sans trop savoir ni comment ni pourquoi. Enfance dans une famille pauvre sicilienne, apprentissage du piano chez Monsieur le curé, sa capacité à reproduire et réinterpréter n’importe quelle musique après l’avoir entendu une seule fois, le conduira des bals populaires aux bordels sordides, jusqu’aux boîtes de nuit de la mafia New-yorkaise. Dans les années 30, c'est Charles Lucky Luciano qui règne, tandis qu'Al Capone va bientôt être arrêté par le fisc à Chicago. Assis devant son piano, il accompagne les parties de poker de Lucky Luciano, son protecteur en chef, de Vito Genovese, de Frank Costello. Il devient aussi, sans rien demander, le protégé de Ben Siegel, ce truand juif un peu fêlé qui rêve de tuer Hitler.
Spectateur de ce monde violent, comme spectateur de sa propre vie, Willy Melodia se laisse conduire par les évènements sans jamais entrer dans l’histoire, prêt à laisser les autres choisir sa vie, en se contentant d'y mettre tout au plus la bande-son. Et la bande-son justement c’est le jazz. De Duke Ellington en passant par Louis Armstrong, il auditionnera même un jeune talent prometteur protégé par le milieu…Franck Sinatra.
C’est une fresque grandiose. Les quelques 550 pages se lisent avec bonheur. On pense au "Parrain", à "Il était une fois l’Amérique". Alfio Caruso nous livre ici un récit amer, touchant et réaliste, chronique d’un looser magnifique, témoin de l’Histoire, prisonnier d'évènements qu’il ne maîtrise pas, témoin invisible d’une époque brutale et éblouissante.