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Photo du rédacteurMireille Eyermann

Un long moment de silence de Paul Colize

Éditions La Manufacture des Livres


1920 : Wladyslaw ouvre sa pharmacie à Lwow

1948 : Trois jeunes italiens attendent la sortie des élèves du Brooklyn College devant leur coupé Hudson rouge.

1952 : un homme poursuit une fillette sur le parking enneigé de l’aéroport de Stuttgart.

1989 : une femme aborde trop vite une courbe sur le ring de Bruxelles.

2012 : Stanislas déshabille une femme qu’il connaît à peine.


Voici la 4ème de couverture du dernier opus de Paul Colize. Vous ne comprenez pas ? Vous ne voyez pas le rapport avec quoi que ce soit ? Cela ne vous met pas sur la piste du sujet ? C’est sûr et c’est tant mieux, tant de maisons d’édition se croient obligées de révéler une grande partie de l’histoire afin d’attirer le chaland. Ne comptez pas sur moi non plus pour vous en dire beaucoup plus. Pourquoi ? Mais déjà parce que le récit est complexe et surtout parce que pour une fois j’aimerai vous demander de me suivre les yeux fermés, de me faire confiance et de lire ce livre.

Mais puisque que ma prose est censée être une chronique je vais tout de même vous mettre sur la voie…


C'est l'histoire de la perte d'un père, de l'amour d'une mère, de la douleur et de la révolte d'un peuple, de destins brisés par l'Histoire, de réussite sociale, de souvenirs de famille, d'amour, de désir, de haine, d'une quête éperdue, d'une vérité violente et émouvante. Vous en voulez plus ? Le narrateur Stanislas Kervyn est un homme d’affaire odieux la plupart du temps et détestable à ses moments perdus. Enfin c’est ce que j’ai ressenti au tout début de ma lecture mais cela n’a pas duré très longtemps. En fait – et c’est sans doute un des tours de force de l’auteur- je me suis complètement identifiée à ce personnage. J’ai pris à mon compte sa morgue, sa suffisance, l’atrophie de son affect, son arrogance, sa sensibilité malmenée, ses blessures. Vous pouvez aussi tout à fait l’imaginer comme un avatar de l’auteur et alors là une autre question se pose… jusqu’où va la ressemblance ? Au lecteur de le trouver, mais je ne suis pas certaine que cela soit le plus important – j’en parle parce que je sais que plus d’une personne va se poser la question- donc ce personnage va enquêter sur la mort de son père, abattu lors d'une fusillade au Caire le 21 août 1954. Cette recherche de la vérité va le mener très loin dans son histoire, dans les époques sombres de la guerre, dans les non-dits douloureux qui peuvent marquer une vie à jamais, des secrets qui peuvent induire des comportements sans même que l’on identifie les causes réelles de ses réactions, c’est comme un voyage en soi, une odyssée terrible. C’est également des destins croisés et Paul Colize excelle et maîtrise totalement cet exercice. L’autre personnage du roman c’est Nathan Katz, survivant des camps de la mort et chasseur de nazis pour une organisation secrète. Les deux chemins de vie vont bien entendu s’imbriquer et trouver des racines de douleurs communes.

Au risque de me répéter je n’ai pas envie du tout de vous raconter l’histoire et de gâcher avec des mots maladroits la découverte de ce bijou. Une chose assez inattendue vu le sujet, il y a tout de même de l’humour, c’est souvent très caustique mais Laura Bellini la traductrice chic et choc de Stanislas Kervyn est une femme de tête au réparties souvent bien senties et cela permet de souffler un peu entre deux chapitres. Absolument tous les personnages ont une densité étonnante, même les plus discrets. A travers ces récits se dessine le portrait et le destin d’une femme, la mère, et cela est très émouvant.

Une autre chose étonnante, mais que j’avais bien sûr déjà remarqué chez cet auteur, c’est la justesse de ses représentations, la qualité de la construction de l’intrigue. Dans ce nouveau roman j’ai trouvé quelque chose de plus puissant par rapport à ses autres écrits, quoi que « Back Up » annonçait déjà la couleur, c’est cette force narrative qui m’a scotché sur place.

C’est un roman exigeant, qui interpelle, qui dérange par sa force, que vous ne pourrez pas lire en buvant votre thé, qui vous laisse tendu et ému. C’est un roman qui m’a bouleversé. C’est une chronique que j’ai vraiment eu beaucoup de mal à écrire car les mots me manquent pour décrire ce que j’ai ressenti. En même temps ces sensations sont tellement de l’ordre de l’intime que je ne souhaite pas en parler plus.

Lisez-le je ne peux pas vous dire mieux. Les histoires capables de s’imprimer en vous ne sont en général pas légion et c’est ce qui m’est arrivé avec ce livre. J’en profite pour remercier l’auteur pour le moment de réflexion et d’introspection qu’il m’a offert avec cette lecture.

Essentiel.

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