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  • Photo du rédacteurMireille Eyermann

Tais-toi et meurs d’Alain Mabanckou

Dernière mise à jour : 20 oct. 2020

Editions La Branche pour la Collection Vendredi 13.


Quittant le Congo, Julien Makambo arrive en France sous le nom de José Montfort. Il est accueilli à Paris par Pedro, figure de proue du milieu congolais de la capitale. Sapeur à la pointe des tendances et «homme d'affaires» au bras long, Pedro prend Julien sous son aile et l'initie au monde des combines souterraines. Les affaires tournent, Julien a la vie belle et festive... jusqu'à ce vendredi 13 maudit, où il se retrouve malgré lui mêlé à la défenestration d'une jeune femme. En prison, il écrit son histoire, celle d'un jeune homme confronté à son destin : Makambo en lingala signifie «les ennuis». Et face aux ennuis, une règle d'or règne ici en maître: Tais-toi et meurs.


J’aime beaucoup l’idée de départ de la Collection Vendredi 13. Rassembler treize écrivains de renom et leur demander de broder 13 romans autour de cette date fétiche. 13 récits d'action, contemporains, où le héros, l'héroïne, met sa vie en jeu pour : un paquet de fric, l'amour, sa liberté, la gloire, la révolution, une utopie... à chaque auteur de choisir.

Alors le récit d’Alain Mabanckou n’est pas à proprement parler un polar mais c’est à coup sûr un roman noir. On sent que l’auteur s’est amusé à écrire cette histoire, il a utilisé les codes du polar, y a injecté des moments légers, d’autres plus intenses et une bonne dose d’humour également.

L’histoire se passe dans le monde africain de la SAPE (Société des Ambianceurs et des Personnes Elégantes) à Paris. C’est l’univers des petits arrangements entre amis, des petites magouilles, de la solidarité, la difficulté de vivre dans la promiscuité et aussi les crasses les plus sordides. L’auteur nous parle de la vie de ces hommes venus d’Afrique dans l’espoir de vivre une vie meilleure, les yeux et la tête pleine des boniments racontés au pays sur la belle vie en France et l’atterrissage est plutôt rude pour un grand nombre d’entre eux. Au-delà de ces émigrés congolais, de ce style de vie flashy et dérisoire, Alain Mabanckou nous décrit avec brio les relations entre les communautés africaines et antillaises, avec un regard et une analyse sans concession sur les relations humaines que ce soit entre noirs ou entre blancs. La misère à la capacité d’abolir les scrupules, d’annihiler les notions de bien et de mal, l’amour ne se comprend et ne se conjugue qu’avec le mot « argent », tout s’achète, tout se vend. La valeur des choses n’est que toute relative et la cupidité et la bêtise règnent partout. Les plus forts écrasent les plus faibles sans aucuns états d’âme. L’amitié quant à elle ne se conçoit que vis-à-vis du service rendu ou non. Le système D érigé en style de vie.

C’est un roman riche en interrogations et en réflexions, Alain Mabanckou nous livre un récit poignant, vrai, sans duperie ni faux-semblants, son écriture (est-il besoin de le préciser ?) est d’une merveilleuse fluidité, son style est incisif, avec un certain cynisme mais également beaucoup d’humour. Une intrigue intelligente et une galerie de personnages savoureuse. Il fallait se douter qu’avec un écrivain de cette trempe le résultat ne pouvait être qu’épatant et c’est le cas. Une parfaite réussite pour ce titre de la Collection Vendredi 13.

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