Editions Rouergue Noir
En pleine déroute personnelle, accablé par la naissance de ses jumelles et la ruine subséquente de sa vie sexuelle, Thierry Sauvage, la quarantaine, le poil et l’œil sombres, croupit au grade de lieutenant du fait d’un manque flagrant d’ambition. La défaillance d’un collègue le place en première ligne sur l’affaire du meurtre de Bernie Sainte-Croix, fille d’un industriel fortuné. La sœur jumelle de celle-ci, Thérèse, présente de bien curieux troubles de la mémoire. Alors que la ville est transformée en champ de bataille par des activistes altermondialistes, Sauvage s’y perd un peu entre les sœurs Sainte-Croix et ses propres filles, sans compter que sa nouvelle voisine ressemble à s’y méprendre à Sharon Stone dans Basic Instinc. Quant à Joanna, sa fidèle et monumentale acolyte, voilà qu’un gendarme fou la convainc de traquer le monstre qui a détruit la vie de sa mère, vingt-cinq ans plus tôt.
Nous voilà dans le vif du sujet. Le nouveau roman d’Elisa Vix est mené tambour battant malgré un héros doté d’une belle dose de mauvaise foi et qui traîne les pieds dès qu’il faut prendre une décision, et il va avoir fort à faire avec l’enquête dont il va hériter, plus par un hasard malencontreux (pour lui) que par véritable aspiration. Le voici donc qui se retrouve à investiguer du côté des Marronniers, grande demeure des Sainte-Croix, riche famille propriétaire de l’usine « Royal Soup ». De cette famille il ne reste plus que les deux sœurs et encore…il n’en reste plus qu’une, Thérèse, puisque l’autre, Bernie, vient d’être assassinée. Thierry Sauvage, accompagné de Joana sa collègue, va tenter d’élucider cette affaire, plus souvent en mettant les pieds dans le plat qu’en usant de doigté, mais la fin justifie les moyens.
Joana de son côté va se retrouver à enquêter sur son propre passé, sur son histoire familiale sordide et douloureuse. Les deux affaires vont se croiser et donner une belle dynamique à ce roman. Mais je dois bien dire que le vrai bonheur de ce nouvel opus d’Elisa Vix c’est le personnage de Thierry Sauvage. Un antihéros improbable, pas vraiment un loser mais dénué de toute ambition, en pleine déroute personnelle. Sa vie affective est un fiasco, il se débat entre son ex-femme, militante altermondialiste, un fils préado dont il redoute surtout de se voir imposer la garde partagée, et sa compagne qui vient de lui donner, à l’insu de son plein gré, deux jumelles qu’il n’arrive pas à distinguer et dont il mélange les prénoms. Ses réactions face à la paternité sont impayables… « Lorsqu’un prisonnier entrait au bagne, on scellait autour de sa cheville un anneau prolongé d’une chaîne et d’un boulet. C’était à peu près l’image que se faisait Thierry Sauvage de la parentalité. L’enfant était un boulet, certes adorable (parce qu’il vous ressemblait), plein de répartie en grandissant (trop ?), susceptible de payer votre retraite (si vous y arrivez), mais tout de même un boulet qui vous bouffait votre temps et votre énergie, y compris sexuelle ».
Son supérieur hiérarchique n’est pas des plus tendre avec lui « Sauvage c’était certes le plan B, mais B pour branleur, bidouilleur, bas de plafond… ». Cela donne une idée du personnage qui se révélera délicieusement politiquement incorrect.
Se nouveau roman est une belle réussite. L’auteur maîtrise parfaitement les deux enquêtes et ne perd jamais son lecteur. Le tout est très efficace, rapide, l’humour est présent du début à la fin et c’est un véritable plaisir d’observer Thierry Sauvage se débattre avec ses sentiments contradictoires.
Rosa Mortalis, des roses teintes en bleu, l’art du camouflage et des faux semblants.
Un vrai bon moment passé à lire cette intrigue qui vous fera sourire (souvent) et vous conduira jusqu'au dénouement de rebondissements en fausses pistes pour votre plus grand plaisir.
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