Editions HC
Automne 1941, Amelia Prilowe est infirmière au London Hospital et tente de survivre aux bombardements de l’armée allemande. Lorsqu’elle reçoit la lettre posthume de son père, elle n’imagine pas qu’elle va devoir affronter un cataclysme personnel tout aussi dévastateur. Sa mère n’est pas morte d’une maladie pulmonaire comme elle l’a toujours cru. Sa mère, Mary Jane kelly, a été la dernière victime de Jack l’Eventreur. Elle avait deux ans.
Mue par une incommensurable soif de vengeance, l’infirmière va se lancer dans une traque acharnée. Elle intègre anonymement la société savante d’experts « ripperologues », la Filebox Society, et va reprendre l’enquête depuis le début, reconstituer les dernières semaines de la vie de sa mère, suivre toutes les pistes et accepter tous les sacrifices pour retrouver celui qui reste encore aujourd’hui une énigme.
Sans doute Jack the Ripper n’est pas le serial killer le plus meurtrier de l’histoire, ce titre revient sans conteste au médecin anglais Harold Frederick Shipman avec un « palmarès » d’environ 250 victimes, mais il reste celui qui a marqué à jamais l’imaginaire collectif. Difficile de dire quel est le nombre exact d’écrit sur le sujet mais il ne se passe pas une année sans qu’un nouveau document, un nouvel essai ou un roman ne lui soit consacré. L’époque trouble du Londres victorien, la violence sociale et les mouvances politiques font que tous les ingrédients étaient réunis pour construire une légende. Le fait que le coupable soit resté introuvable rajoute encore (si besoin était) au mystère et à l’horreur de crimes odieux qui de ce fait, resteront à jamais impunis.
D’enquêtes nébuleuses en thèses farfelues, beaucoup de journalistes et d’écrivains se sont frottés à cette énigme et à dire vrai, ce roman n’avance pas une réponse plus stupide que bien d’autres. Il se trouve que Michel Moatti est sociologue, membre de la Whitechapel Society de Londres et qu’il s’est littéralement passionnée pour le sujet allant jusqu’à y consacrer trois années de sa vie. Il a dépecé les travaux du sociologue anglais Charles Booth, compulsé les archives victoriennes, s’est plongé au plus profond des dossiers de la Metropolitan Police exhumant les rapports médico-légaux et les témoignages des jurys d’enquête.

Il va recroiser la thèse de Patricia Cornwell qui avait fait du peintre Walter Sickert le coupable idéal. Michel Moatti n’abonde pas dans ce sens mais fait de l’artiste anglais un témoin privilégié (acteur ?) de scènes de crimes.
Alors je peux dire que je suis moi-même passionnée d’Histoire et que si l’ère victorienne continue à avoir des secrets pour moi, j’ai tout de même quelques connaissances sur le sujet. Je me suis également égarée dans un nombre incalculable de livres sur l’Angleterre et plus spécifiquement sur la ville de Londres à la fin du 19ème siècle, j’ai fouiné et farfouillé dans les bibliothèques et sur le net, j’ai lu tout ce qui est tombé entre mes mains sur cette sinistre affaire et je peux dire que ce livre m’a éclairé sur pas mal de points.
Ce roman m’a surtout fasciné pour les descriptions de la vie dans l’East End, de Whitechapel à Spitafields. Les tableaux dépeints par l’auteur sont saisissants. Je ne vais pas énumérer ici tous les détails, mais cela rend le récit terriblement vivant et on se sent presque poisseux de cette proximité avec la misère. L’histoire qui donne corps au roman n’a été pour moi qu’un prétexte même si celle-ci est particulièrement bien tournée. Ce n’est pas une question d’incohérence, encore une fois la thèse de l’auteur se tient plutôt bien, mais c’est simplement que cette vie grouillante tout autour est pour moi cent fois plus fascinante que n’importe qu’elle chronique si bien troussée soit-elle. Petit détail, avec le roman vous aurez droit au "carnet de voyage" de l'auteur...son voyage à la poursuite de Jack the Ripper. C'est intéressant et plutôt bien fait.
Alors pour beaucoup il va encore s’agir d’une énième enquête sur Jack l’Eventreur et c’est vrai que l’histoire de l’infirmière se découvrant fille de la dernière victime du tueur peut parfois paraitre utiliser des ficelles un peu grosses, mais peu importe ! Si vous acceptez de laisser de côté vos préjugés et que vous vous laissez conduire dans la pénombre, vous vous cognerez peut-être à ces hommes et ces femmes, assommés d’alcool et de fatigue, vous pousserez peut-être les portes du Ten Bells pour vous attabler aux côtés d’Annie Chapman ou de Mary Jane Kelly…C’est troublant, et c’est ce que j’ai ressenti à la lecture de ce roman.
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