"C’est dans un New York spectral, encore en proie aux secousses de l’après-11 septembre, que s’amorce l’improbable histoire de Zou Lei, une clandestine chinoise d’origine ouïghoure errant de petits boulots en rafles, et de Brad Skinner, un vétéran de la guerre d’Irak meurtri par les vicissitudes des combats.
Ensemble, ils arpentent le Queens et cherchent un refuge, un havre, au sens propre comme figuré. L’amour fou de ses outlaws modernes les mènera au pire, mais avant, lish prend soin de nous décrire magistralement cette Amérique d’en bas, aliénée, sans cesse confinée alors même qu’elle est condamnée à errer dans les rues. Il nous livre l’histoire de ces hommes et de ces femmes qui font le corps organique de la grande ville : clandestins, main-d’œuvre sous-payée, chair à canon, achevant sous nos yeux les derniers vestiges du rêve américain".
LE roman de la marginalité. La rencontre de deux êtres meurtris par la vie, par l’Histoire, par l’indifférence crasse de la société. Zou Lei est magnifique, énergique, dure au mal, éclatante de ses espoirs d’une vie meilleure, de sa foi en des lendemains qui seront, elle en est certaine, plus beaux. La clandestinité elle connait et le sentiment de n’être nulle part la bienvenue aussi. Zou Lei fait partie d’une minorité rejetée dans son propre pays.
Brad Skinner lui est une boule de force et de douleur. Sombre, bourré d’anxiolytiques, habité par des images de guerre et de violence qui ne lui laissent aucun répit, Brad est l’archétype de l’américain né au mauvais moment (dans l’Amérique de Bush…) et qui subit les soubresauts et les dédales de son époque. Laissé en liberté dans les rues d’un New York meurtri par le 11 septembre, il trimballe son mal de vivre et ses colères, à la recherche d’un apaisement qu’il n'arrive pas à atteindre.
Ils vont se trouver, l’amour à un côté absolu et désespéré auprès d’eux, mais tellement magnifique aussi.
Le véritable troisième personnage c’est New York. Atticus Lish connait parfaitement sa ville, il pêche d’ailleurs quelques fois par trop de descriptions, mais peu importe, le résultat est une rencontre presque organique avec cette mégapole et ce quartier du Queens. Une véritable plongée dans les bas-fonds avec ses rues sordides, ses recoins crasseux, ses arrière-cours et ses arrière-boutiques sombres et sales. Un New York aux antipodes de la cité lumineuse que nous nous imaginons tous. Le retour d’une fange digne du Five points des années 1830. Dickens, Zola frappent à la porte et le "Peuple de l'abîme" de London n'est pas très loin.
Pas de mièvrerie ni de compassion dans ce roman. C’est du brutal et on se le prend en pleine face. C’est une ode à un certain romantisme contemporain, aux misfits d’aujourd’hui. Ce que je retiens c’est que, quelles que soient la douleur et les expériences épouvantables, il existe toujours cette recherche de l’amour, de la tendresse, même (et peut être surtout) si c’est perdu d’avance.
La bande-son de ce roman oscille entre « Born to run » et « Take a walk on the wild side ». D’ailleurs ce n’est pas que coïncidence si j’associe de la musique, des images à ce roman, car tout y est très visuel et présent.
C’est le premier roman d’Atticus Lish et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il tape fort, précis et que c’est plutôt musclé. Un chaos passionné et sensible. Un désordre touchant et furieux. Un amour brutal et intense. Des existences qu’il faut se presser de vivre car quelque part on sent que ça ne vas pas durer.
De la rage et de la noirceur, pas beaucoup de place pour l’espoir mais un roman magnifique.
Atticus Lish a obtenu le Grand Prix de la Littérature Américaine pour ce premier roman et ce n’est pas un hasard. Il signe là une histoire de toute beauté, certes désespérée, mais qui croit encore au rêve américain ?
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