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  • Photo du rédacteurMireille Eyermann

On the Brinks de Sam Millar

Éditions du Seuil


Catholique, Millar combat avec l’IRA et se retrouve à Long Kesh, la prison d’Irlande du Nord où les Anglais brutalisent leurs prisonniers. Indomptable, il survit sans trahir les siens : voilà pour la partie la plus noire, écrite avec fureur et un humour constant.

Réfugié aux Etats-Unis après sa libération, il conçoit ce qui deviendra le 5ème casse le plus important de l’histoire américaine. La manière dont il dévalise le dépôt de la Brinks à Rochester, avec un copain irlandais, des flingues en plastique et une fourgonnette pourrie, est à ne pas croire. Même Dortmunder, dans un roman de Westlake s’y prendrait mieux. Il n’empêche, le butin dépasse les 7 millions de dollars ! Un procès et une condamnation plus tard, il retrouve la liberté, mais entretemps, la plus grande partie de l’argent a disparu. Millar semble avoir été roulé par ses complices…Saura-t-on jamais la vérité. En tout cas, le FBI cherche toujours !



C’est un lieu commun de dire que la réalité dépasse la fiction mais jamais citation n’aura été mieux illustrée qu’avec ce roman « On the Brinks ».

Thriller ? Polar ? Pas vraiment, par contre un récit autobiographique noir de chez noir assurément. De son enfance bercée par les conflits en Irlande du Nord à l’organisation du coup fumant du braquage d’un dépôt de la Brinks à Rochester, rien ne lui n’aura été épargné. On le suit pas à pas dans l’éveil de sa conscience politique, il sera d’ailleurs marqué à jamais par sa participation le 30 janvier 1972 à une manifestation pacifique organisée dans la ville de Derry et qui finira dans un bain de sang (Bloody Sunday). Des cellules putrides de la prison de Long Kesh (fermée en 2000) en passant par ses aventures de croupier dans les casinos clandestins de New-York, la vie de Sam Millar est absolument effrayante, fascinante et incroyable.

L’homme pourrait en faire des tonnes, et cela serait même compréhensible, car lorsqu’on arrive à survivre dans un milieu à ce point hostile il y a de quoi s’inventer des super-pouvoirs ! Mais c’est la force de l’auteur justement…il reste simple, sans en rajouter – pas besoin d’ailleurs c’est déjà bien assez monstrueux comme ça. Ce livre se lit comme une confession d’une noirceur implacable, une vision claire et un récit sans concession. Le petit plus c’est l’humour, et il en faut une bonne dose je suppose pour survivre à des expériences pareilles sans devenir irrémédiablement dingue.

La première partie du livre est à peine soutenable, il faut se souvenir que justement ce n’est pas un roman, c’est du réel ! L’écriture est rageuse, cinglante, les chapitres sont courts ce qui donne un rythme assez précipité mais qui convient parfaitement au récit.

"On était vendredi soir. J'aurais dû être au Star à boire une bonne pinte au son d'un orchestre épouvantable massacrant d'épouvantables imitations de Fleetwood Mac. Au lieu de ça, j'avais les couilles à l'air, le cul serti de chevrotines de goudron, et les balloches d'une méchante couleur magenta. Et j'avais même pas encore atteint le Bloc. Putain, ça allait être un très long voyage dans la nuit". Tout est dit.

Sam Millar reste malgré tout assez énigmatique quant aux raisons de son internement au Maze (Long Kesh). Son appartenance à l’IRA bien sûr, mais à aucun moment on ne devine les motifs d’une incarcération si longue. Il faut dire, et je me souviens relativement bien de cette époque, que tous les prétextes étaient bons pour interner les membres de l’IRA. Sam Millar a fait parti des « Blanket men » et à également pris part à la « Dirty protest », si vous ne savez pas de quoi il s’agit je vous le laisse découvrir dans le livre…Il a vécu son incarcération à la même époque que Bobby Sands (au même endroit d’ailleurs) et ces mouvements de protestations font encore écho en moi. Je me rappelle, bien que relativement jeune à l’époque, (de 1974 à 1982) je suivais dans les médias ces hommes révoltés et ce qui filtrait de leurs conditions de détention me laissait sans voix...et je me rends compte à la lecture de ce livre que j’étais bien loin d’imaginer à quel point ce cauchemar était réel.

La seconde partie du roman peut paraître, en comparaison, nettement plus légère. On suit l’auteur aux Etats-Unis dans le Queens et on y découvre sa vie de clandestin. Il devient croupier puis Directeur de caisses de plusieurs casinos clandestins (je ne savais même pas que cela existait à New York), puis il monte un des casses du siècle en dévalisant un dépôt de la Brinks. Le récit devient rocambolesque et digne d’une histoire des pieds nickelés ! Le résultat est pourtant là…7 millions de dollars !! Avec tous les flics de New York aux trousses, Sam va relativement rapidement être dénoncé, s’en suit un procès épique et une incarcération de plus pour l’auteur.

Cette histoire n’est pas de la fiction, c’est la vie d’un homme. Alors était-il là au mauvais endroit au mauvais moment ? Est-ce une succession de mauvais choix ? En tout cas cet homme a bien du talent pour raconter sa vie incroyable, bien du courage pour avoir tenu le coup. Son livre est absolument passionnant de bout en bout, il vous jette en pâture ce qu’il a vécu, c’est de l’émotion pure et il se paye même le luxe de donner dans l’autodérision.

L’a-t-il écrit pour exorciser toute cette horreur ? Je ne sais pas mais en tout cas c’est terriblement efficace. La révolte est montée en moi rien qu'à la lecture des premières années de sa vie, quant au reste...

Nous sommes bien loin des histoires de serial-killer qui hantent les étagères des librairies et je dois dire que je leur préfère cent fois ce coup de poing en pleine face et que du coup bien des romans semblent mièvres en comparaison.

Un véritable coup de cœur pour moi.

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