Editions Sonatine
1977. Martin Radford, jeune historien, arrive sur l’île de Madère. Il y rencontre Leo Sellick, qui habite une villa naguère propriété du mystérieux Edwin Strafford, mort en 1951. Homme politique promis à un brillant avenir, Edwin Strafford a été, en 1908, à l’âge de 32 ans, ministre de l’Intérieur du cabinet Asquith aux côtés de Lloyd George et de Churchill, avant de quitter la vie politique en 1910 sans explication aucune.
Les raisons de cette rupture inexplicable sont-elles dans le manuscrit de ses mémoires, retrouvé dans la villa ? La lecture passionnée qu’en fait Martin pose plus de questions qu’elle ne donne de réponses. En particulier sur le rôle d’Elisabeth, une jeune suffragette avec qui Strafford a vécu une histoire d’amour passionnée. Fasciné par les énigmes qui jalonnent le destin de Strafford, Martin décide d’éclaircir cette étrange affaire. Mais, alors que son enquête progresse, il comprend bientôt que cette histoire est loin d’être finie et que, dans l’ombre, beaucoup ont encore intérêt à ce que le voile ne se lève jamais sur le secret d’Edwin Strafford.
Vous aimez les romans ou un suspense insoutenable vous vrille les nerfs, vous donne des suées nocturnes, vous fait sursauter à chaque page ? Un de ces romans gorgé d’hémoglobine et de tueurs fous ? Alors il y a un risque que vous passiez à côté de celui-là…et ce serait dommage pour vous car en dehors de l’histoire qui est très bien ficelée, l’auteur Robert Goddard a une qualité d’écriture époustouflante.
Le récit de ce jeune historien qui va consacrer son temps et une partie de sa vie à rechercher la vérité sur une énigme du début du vingtième siècle, qui va découvrir les dessous pas toujours très ragoutant de la politique, des passions humaines, de l’Histoire et de ses propres contradictions, a tout pour plaire. Le scénario distillé par fines touches nous fait entrer de plein pieds dans les arcanes de la politique anglo-saxonne post victorienne, nous mène de la guerre des Boers en Afrique du Sud, aux suffragettes londonienne, puis finalement dans les tranchées du bourbier français de 14-18. C’est toute une partie de l’Histoire du vingtième siècle qui défile sous nos yeux et l’auteur à une réelle faculté pour faire revivre les grands et les petits moments qui ont agités cette époque plus que troublée. Il mélange de main de maître le réel et la fiction, nous fait côtoyer les membres du Cabinet Asquith, Lloyd George, Emmeline Pankhurst et sa fille Christabel (célèbres suffragettes du début du vingtième siècle) pour finalement nous faire prendre le thé avec Winston Churchill. On sent chez Robert Goddard une certaine nostalgie de la politique d’avant-guerre et d’un certain sens des valeurs, de l’engagement et de l’honneur.
L’intrigue en elle-même est bien conduite même si elle n’est pas haletante. Celle-ci m’a fait tourner les pages et rester éveillée tard dans la nuit, mais ce n’est pas l’attrait principal de ce livre. A mon sens le véritable intérêt de ce roman ce sont les personnages qui sont tous très bien étudiés, le côté historique qui est merveilleusement bien documenté et surtout l’écriture de Robert Goddard qui distille les choses avec une lenteur étudiée mais également avec une vraie force d’évocation.
C’est un roman policier de premier ordre, meurtres, trahisons, usurpations d’identité, descente aux enfers, rédemption, le tout sur une toile de fond tantôt ensoleillée dans une villa de l’île de Madère tantôt dans la grisaille de Londres ou la campagne anglaise.
Un historien raté, une femme bafouée, un homme politique trainé dans la boue, un Lord marchand d’armes…et toute une compagnie de personnages secondaires dépeint avec beaucoup de talent. Sans oublier une histoire d’amour qui n’apportera dans son sillage que malheur et désespérance.
C’est un roman attachant et qu’il est impossible de lâcher avant la dernière page, même si le dénouement de l’intrigue se devine assez facilement, cela n’a aucune importance. Hypnotique vous dis-je !
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