Editions Krakoen
Les Gueux, c’était l’enfer. Et c’était aussi le Paradis. Allez expliquer ça… Des années que ça durait. Les Gueux, c’était un no man’s land avec du monde dedans. Ceux qui vivaient là, ils se cramponnaient, vous comprenez, comme des naufragés sur un radeau qui prend l’eau qu’on colmatait au système D.
On s’arrangeait, fallait bien. Et puis ça a recommencé. Et puis ça s’est arrêté. C’est quand on a compris, quand tout était fini, que tout a commencé. Les trois mortes, c’est sûr, elles n’étaient pas inventées. Alors, enfer ou paradis, j’ai plus douté.
Les Gueux c’est une petite communauté de SDF installé là, le long des voies du RER, entre Paris et Versailles, des cabanes de jardinier coincées entre les pavillons cossus de la banlieue Ouest et le Bois des Tantes (je vous laisse découvrir le lieu…). Vivent ici Bocuse, Capo, Krishna, Betty Boop et Môme, trois hommes et deux femmes, cinq personnages attachants au possible. Alors bien sûr, c’est un polar avec des vrais morceaux de trucs louches dedans, une enquête policière bien menée même si pour moi elle s’est avérée secondaire. Plutôt qu’un polar, c’est un roman noir, voire même un socio-polar…enfin bref, au diable les étiquettes, c’est un sacrement bon bouquin un point c’est tout. Hervé Sard a un vrai talent de conteur et les descriptions des lieux, des personnages, de leurs vies, me resteront en mémoire. Il décrit tout ce petit monde avec poésie, amour et humour, c’est un monde dur et impitoyable mais l’auteur en parle avec énormément de tendresse.
Ne vous méprenez pas il y a tout de même trois mortes dedans, dont deux sans têtes, et l’intrigue reste intacte jusqu’aux dernières pages du roman, meurtre ou suicide ? Mais c’est avant tout la chronique d’un monde qui n’est visible que pour ceux qui veulent bien se donner la peine de le voir et Hervé Sard est de ceux-là, il nous fait découvrir une sorte de cour des miracles à ciel ouvert. Très beau roman qui aurait pu sombrer dans le pathos mais qui par une construction intelligente évite tous les écueils du genre. Les en-têtes de chapitres sont d'ailleurs souvent très drôles.
Alors venez à la rencontre du Quai des Gueux, promis, vous ne le regretterez pas.
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