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  • Photo du rédacteurMireille Eyermann

L'Histoire selon Tintin de Bob Garcia

Éditions Mac Guffin


Analyser les sources de l’œuvre d’Hergé est un exercice passionnant tant il y a de choses à dire et Bob Garcia s’est totalement immergé dans le sujet puisqu’il signe là un nouveau livre sur le petit reporter à la houppette.

Tintin j’aime beaucoup, l’Histoire encore plus, alors donnez moi les deux ensemble et je ne lève pas mon nez du bouquin avant de l’avoir terminé. C’est le 9ème – et avant dernier – opus de l’auteur sur le sujet et comme d’habitude c’est clair, concis avec pas mal d’anecdotes.

Les histoires de Tintin étaient d'abord prépubliées dans le journal belge "Le Vingtième Siècle", plus exactement dans le supplément jeunesse "Le Petit Vingtième". Journal d'obédience catholique conservatrice pour ne pas dire...enfin si disons-le...carrément très à Droite.


Alors qu’Hergé se soit servi de l’Histoire pour dérouler les aventures de Tintin cela ne fait aucun doute enfin, nous parlons d’Histoire maintenant mais pour la sortie de chaque BD il s’agissait plutôt de récits qui se plaçaient dans l’actualité internationale…ce sont ces contextes brûlants qui sont ensuite devenu Historique !

Ce qu’il faut savoir c’est qu’Hergé travaillait à la manière d’un journaliste d’investigation, un peu comme Joseph Kessel ou Albert Londres qui étaient des grands reporters de la même époque. On peut d’ailleurs déjà très rapidement faire un rapprochement entre "Tintin aux Pays des Soviets" et le livre d’Albert Londres « Dans la Russie des Soviets ». C’est au prix d’énormes difficultés que le journaliste parvint à s’infiltrer en Russie alors en plein maelstrom révolutionnaire et ce qu’il voit et pressent donne déjà un aperçu de ce que sera le radicalisme bolchévique. Tous les éléments du totalitarisme sont là, procès iniques, déplacement des populations, famines organisées, collectivisme obligatoire…Le reportage est effectué en 1920 et remportera un franc succès à son auteur. Le premier album de Tintin se situe à peu de chose près dans le même contexte et est un véritable réquisitoire contre le communisme. Sorti en 1929, le récit a donc pour toile de fond l’U.R.S.S. – ce qui n’était pas le cas à l’époque du reportage d’Albert Londres puisque l’Union Soviétique fut créée en 1922 - mais les composants sont sensiblement les mêmes. Hergé a pris des éléments de la presse de l’époque et les a transposé dans Tintin. Ainsi par exemple, il joue avec la prétendue bonne santé économique du pays comme lorsque notre petit héros visite une usine et s’aperçoit qu’elle n’est en fait qu’un leurre. Il découvre qu’on ne distribue pas de pains aux enfants affamés et que le gouvernement détourne les récoltes des paysans à des fins de propagande à l’étranger. Tintin est poursuivit par des agents de la Guépéou (ex-Tchéka et futur KGB …mais en faisant beaucoup de raccourcis) qui pendant des années et dans la vraie vie à développé une paranoïa du complot occidental (notamment sous Staline) et c’est cette même police qui sera – entre autre – responsable de la mise en place de la « dékoulakisation ». Il y aurait beaucoup à dire rien que sur cet album et le suivant "Tintin au Congo" qui lui est bourré de préjugés et donne une triste image de ce que les européens pensaient de l'Afrique et des africains à cette époque. S'il y en a bien un à lire en le replaçant absolument dans le contexte historique c'est bien celui-là ! Mais c'est un autre débat et je ne vais pas écrire à mon tour l’Histoire selon Tintin !

Ce qui est amusant c'est qu'Hergé à déclaré s'être inspiré du livre de Joseph Douillet "Moscou sans voile" alors que moi instinctivement j'ai pensé au reportage d'Albert Londres. Comme quoi les sources peuvent varier pour interpréter les choses ;-)

Pour donner quelques autres exemples, l’album « Les cigares du Pharaon » revisite la découverte du tombeau de Toutankhamon dans la Vallée des Rois par Howard Carter puisque cette BD parait environ douze ans après la découverte de la tombe royale du pharaon. La scène de disparition des égyptologues lorsqu’ils se rendent à la tombe de Kih-Oskh fait d’ailleurs référence à la prétendue « malédiction du pharaon ». Cette légende entretenue par les médias de l’époque évoque un sort jeté par le pharaon sur les personnes qui avaient participé à l’expédition (environ 27 personnes sont mortes de manière soit disant suspectes). Arthur Conan Doyle lui-même, qui était féru de spiritisme fut l’un des premiers à propager la légende et Agatha Christie s’en inspira en 1923 pour écrire « L’Aventure du tombeau égyptien ». La première version de l’album fut publiée en 1934, c’est également dans cette histoire que le personnage de Rastapopoulos apparait pour la première fois.

Dans "Le Lotus Bleu" Hergé retrace l’attentat d’un chemin de fer qui a servi de prétexte à l’invasion japonaise de la Mandchourie, invasion qui a été le prélude à la terrible guerre sino-japonaise de 1937.

Pour "Tintin en Amérique" on retrouve l’époque de la prohibition, donc l’interdiction de produire, vendre ou boire de l’alcool. Il est question du « Volstead act » qui était le texte législatif en vigueur aux Etats-Unis de 1919 à 1933 et dans une des vignettes de la BD on voit le sheriff qui est tombé à la renverse, ivre mort, ce qui permet à Hergé de montrer le décalage entre la loi et son application dans la réalité. On pense également aux Speakeasy – ou blind pig (tiger) – qui étaient des bars clandestins dans lesquels les américains consommaient de l'alcool avec une obligation de discrétion. Les patrons de ces établissements demandaient à leurs clients de parler doucement lorsqu'ils demandaient de l'alcool afin de ne pas éveiller les soupçons. Cet album est sorti en 1931 donc en pleine prohibition et met en scène le seul personnage réel que l’on trouvera dans l’œuvre d’Hergé…Al Capone !

Pour donner un dernier exemple du travail d’Hergé et de sa façon d’intégrer les évènements historique aux aventures de son petit reporter il y a « Le Sceptre d’Ottokar ». Cette histoire a été publiée en noir et blanc du 4 août 1938 au 10 août 1939 (quelques semaines avant la déclaration de la deuxième guerre…) dans les pages du supplément jeunesse "Le Petit Vingtième". La référence à l’Anschluss est évidente, l’invasion de l’Autriche par l’Allemagne (pour ceux qui auront la flemme de regarder les dates cela s’est passé le 12 mars 1938). Dans le livre on a d’un côté la Syldavie qui représente un pays qui va se faire annexer et la Bordurie qui évoque l’Allemagne Hitlérienne. Les ordres d’invasion sont d’ailleurs signés d’un certain Müsstler, un mot-valise sur les noms des dictateurs italien (Mussolini) et allemand (Hitler).

Je n'ai donné ici que quelques exemples par contre dans "L'Histoire selon Tintin" vous trouverez la totalité des 24 albums décortiqués ou plutôt replacés dans leur contexte historique, jusqu'au dernier resté inachevé "Tintin et l'Alphart".

Chaque album est bourré de références et Bob GARCIA lui-même s’est transformé en petit reporter et à mené l’enquête. Le plus difficile à mon avis dans ce travail ce n’est pas de trouver les sources mais de rester concis et de ne pas s’éparpiller. C’est en tout cas un petit livre bigrement intéressant, tout le monde peut y trouver son compte. Les plus jeunes car ils vont découvrir la Grande Histoire qui se cache derrière la petite et les plus âgés car ils pourront fouiner dans leur propres connaissances et pourquoi pas investiguer à leur tour pour aller plus loin dans les découvertes.

Si vous êtes amateurs de Tintin ou tout simplement curieux, je vous conseille vivement la lecture de ce livre de 111 pages qui se lit comme un roman et surtout je vous invite à découvrir les autres opus de l’auteur sur le même sujet. Vous aurez alors une nouvelle vision de l’œuvre d’Hergé, comme quelques fenêtres que l’on ouvre.

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