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Photo du rédacteurMireille Eyermann

Kind of Black de Samuel Sutra

Editions Terriciaë



Sarah Davis, chanteuse internationalement connue, est assassinée dans les sous-sols du Night Tavern, temple du jazz de la rue Saint-Benoît. Le pianiste virtuose avec lequel devait se produire la diva rencontre alors le plus inattendu mais le plus fervents de ses admirateurs : le flic chargé de l’enquête. Entre ce que l’un sait et ce que l’autre cherche à savoir, ce récit leur rappellera que si le jazz est une musique improvisée, certaines fins sont parfois écrites à l’avance.


Un titre accrocheur, clin d’œil au Kind of Blue de Miles Davis, c’était déjà une façon de piquer ma curiosité, mais ce n’est pas sans une petite pointe d’appréhension que j’ai commencé la lecture de ce roman. En effet lorsqu’on attend beaucoup d’une lecture, il y a toujours grand risque de déception. Je ne vais pas vous torturer plus longtemps, de déception je n’en n’ai pas eu, bien au contraire. Le roman de Samuel Sutra est un vrai bonheur, une immersion dans l’atmosphère feutrée et moite des boîtes de jazz, une histoire relativement simple mais une intrigue menée avec intelligence.

On sent bien ici que l’auteur évolue en terrain connu, qu’il y prend plaisir et qu’il nous livre au détour de certaines phrases un peu de sa philosophie de vie.

Les personnages ont été façonnés pour remplir pleinement leurs rôles. La chanteuse Sarah Davis, belle, vénéneuse, un rien égocentrique et morte, le pianiste Stan Meursault qui endosse là le costume du musicien maudit, talentueux et désabusé, Jacques le flic mélomane, frustré et admiratif du talent de Meursault. Il faut également rajouter d’autres protagonistes comme le batteur et le contrebassiste, sidemen indifférents à ce qui se passe autour d’eux, pleinement accaparés par la musique et totalement désintéressés par ce qui ne se rapporte pas à leur passion, il y a aussi le patron un peu hystérique du bar, la serveuse amoureuse éplorée et Baker l’agent de la chanteuse, amant indifférent mais vrai requin, sans oublier le bar, le Night Tavern dont on peut presque humer l’odeur et qui tient un rôle à part entière.

Tout ce petit monde va prendre vie grâce à l’habilité de Samuel Sutra qui réussi je ne sais grâce à quelle pirouette à éviter de tomber dans la caricature ou dans le cliché. Le secret c’est tout simplement le talent. Samuel Sutra en a à revendre, son écriture ressemble beaucoup à cette musique qu’il aime tant ; quelques fois nerveuse, comme ces accords que l’on plaque sur un clavier, d’autres fois toute en finesse, caressante et presque féline. Sa connaissance de la musique rend l’histoire fascinante et complètement crédible.

Comme le jazz qui est une musique riche, complexe et d’une étonnante fluidité à la fois, le roman de Samuel Sutra joue sur toute la gamme des sentiments, improvisations et contretemps, laissant à chaque lecteur la possibilité d’avoir sa propre grille de lecture et d’interprétation, pour finalement nous ramener à une fin digne des plus grands jazzmen.

Une preuve de plus, s’il en est besoin, que le polar et le jazz sont fait pour danser main dans la main.

« Ce n’est pas le nombre des notes qui compte, c’est le choix des notes » (Miles Davis)…

Idem pour l’écriture.

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