À la nuit tombée, Kabukicho, sous les néons, devient le quartier le plus sulfureux de la capitale nipponne. Au cœur de ce théâtre, les faux-semblants sont rois, et l’art de séduire se paye à coup de gros billets et de coupes de champagne. Deux personnalités dominent la scène : le très élégant Yudai, dont les clientes goûtent la distinction et l’oreille attentive, et Kate Sanders, l’Anglaise fascinante, la plus recherchée des hôtesses du Club Gaïa, l’un des derniers lieux où les fidèles apprécient plus le charme et l’exquise compagnie féminine que les plaisirs charnels.
Pourtant, sans prévenir, la jeune femme disparaît. Le piège de Kabukicho s’est-il refermé ? À Londres, son père reçoit sur son téléphone portable une photo où elle apparaît, les yeux clos, suivie de ce message : « Elle dort ici. » Bouleversé, mais déterminé à retrouver sa fille, Sanders prend le premier avion pour Tokyo, où Marie, colocataire et amie de Kate, l’aidera dans sa recherche. Yamada, l’imperturbable capitaine de police du quartier de Shinjuku, mènera quant à lui l’enquête officielle.
« Au Japon, pays de la règle et du principe, les hôtesses ne couchaient pas. Sauf celles qui couchaient. C’était compliqué, c’était simple. C’était comme çà.» Par cette simple phrase, Dominique Sylvain nous montre toute l’ambiguïté de la société nippone, opaque pour bien des occidentaux et que l’auteur connait bien pour y avoir vécu pendant de nombreuses années.
Justement, l’univers japonais et plus précisément tokyoïte, y est dépeint avec grâce, délicatesse et pourtant une certaine violence. Entre les mangas et le théâtre No, la modernité et l’effervescence effrénée d’une capitale qui ne dort pas et la subtile finesse des traditions séculaires, Dominique Sylvain nous prend par la main et nous fait découvrir ce monde étrange et déconcertant.
Au-delà de l’enquête, c’est la part d’ombre des différents personnages qui importe ici. Les mensonges et les faux-semblants érigés en art de vivre dérangent notre vision pragmatique et quelque peu cartésienne des situations. Notre perception est d’ailleurs souvent mise à mal par l’auteur qui joue avec ses lecteurs, les enrobes pour mieux les relâcher et distille d’habiles coups de pattes telle une chatte gourmande avec une souris.
L’âme humaine est coupable de bien des perversités et Dominique Sylvain s’en donne à cœur joie pour nous dépeindre ce monde fascinant et dangereux. Le maître mot est l’ambivalence des personnages et des situations. Vous allez tour à tour découvrir ce quartier de Shinjuku qui ne se repose jamais, l’endroit privilégié de Tokyo ou vous pouvez trouver des hôtesses, véritables geishas modernes et des hommes-objets, pénétrer dans les clubs tenus par autant de mamas-san à la botte de la pègre des yakuzas.
Un voyage captivant au pays du soleil levant, une histoire très noire mais traitée avec intelligence et sensibilité. Un royaume de solitude ou certaines amitiés peuvent naître dans les eaux troubles de ce quartier interlope.
Un roman superbe et un « one shot » dans lequel Dominique Sylvain donne toute la mesure de son talent pour raconter des histoires sordides avec élégance et subtilité. Une grande réussite !
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