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  • Photo du rédacteurMireille Eyermann

Eboueur sur échafaud d’Abdel Hafed Benotman

Editions Rivages Noir


Son père le lui avait prédit : "au pire, tu finiras éboueur. Au mieux, sur l'échafaud." Marqué par cet oracle, le jeune Fafa Bounoura n'est pas bien parti dans la vie. Entre la cruauté d'un père analphabète qui a quitté son Algérie natale pour la France au lendemain de la guerre, et la folie d'une mère à la fois victime et bourreau, les enfants Bounoura rêvent de mener une existence "normale". Mais ils vont s'égarer, loin de leurs aspirations.


Alors pas du tout un polar mais une splendeur de roman…noir ? Oui, assurément c’est un roman noir tant cette vie racontée est faite de fractures, d’incompréhensions et de ruptures. D’ailleurs peu importe la classification du roman dans un genre ou un autre, c’est juste un excellent bouquin. Une écriture bourrée d’humour, des phrases qui font mouche instantanément, des claques et des coups de griffes sur une histoire qui prend des allures de vraie/fausse biographie.

La vie du petit Farath (Fafa) s’écoule entre racisme, bêtise crasse, humiliation, ignorance, religion, un peu d’amour et de tendresse aussi, pas beaucoup mais juste suffisamment pour que le tout ne soit pas sordide ou intolérable. Mais ce n’est pas simplement l’histoire de ce petit garçon, c’est aussi la vie d’une famille d’émigrés algérien, les parents coincés dans le carcan des traditions jusqu’à la violence et la folie et celles de chaque membres de cette fratrie qui tente tant bien que mal (plutôt mal d’ailleurs) de se sortir le plus intacte possible de ce maelstrom de contradictions et de fureur et de vivre une existence « normale ».

Abdel Hafed Benotman trouve les mots justes, il sait émouvoir sans sombrer dans le pathos et faire sourire même des situations les plus affligeantes.

Pour donner un petit exemple, lorsque Nadou une des sœurs de Fafa tente de se suicider en sautant par la fenêtre et qu’elle loupe son coup, elle se rassemble en bas sur le bitume et remonte à l’appartement familial ou son père l’attend de pied ferme…… « Qui t'a permis de sortir ? Nadou n'eut pas le temps de répondre qu'une grosse baffe l'assomma. Elle avait le droit de mourir mais pas de sortir...même de la vie ? ».

Un autre morceau de bravoure se trouve au début du roman, il s’agit de la circoncision du petit Fafa qui découvre là toute la cruauté stupide des adultes. Très souvent la drôlerie se dispute à l’horreur, et que dire des déchaînements du père et de la folie de la mère ?

L’auteur plus d’une fois a connu la prison, il raconte là la genèse de ce qui peut amener un gamin à se révolter contre tant d’injustice et de non-dits, lorsque la vie ne donne pour toute valeur que le mensonge et la haine, le résultat attendu lorsque trop d’amour reste inassouvi et incompris.


« Pris entre deux violences, celle du dedans et celle du dehors, il forma en lui lentement, haineusement, huître inviolable, une perle noire. Perle prête à éclater le moment venu dans une violence que lui-même ne pourrait pas maîtriser. Farath Bounoura avait la haine. La peur et le dégoût le recroquevillant autour de sa vie, il ne laissa plus rien passer comme émotion ou sentiment »

Un roman d’une grande force, une écriture authentique, des mots d’une belle intensité, mais surtout une leçon de vie et de courage. Tomber souvent mais se relever toujours…Un très belle découverte en ce qui me concerne.

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