Editions Gallmeister
Avant que la rivière reliant la petite ville d’Oree à celle d’Aintry ne disparaisse sous un immense lac artificiel, quatre trentenaires décident de s’offrir une virée en canoë pour tromper l’ennui de leur vie citadine. Gagnés par l’enthousiasme du charismatique Lewis et bien que peu expérimentés, Bobby, Ed et Drew se laissent emporter au gré du courant et des rapides, au cœur des paysages somptueux de Georgie. Mais la nature sauvage est un cadre où la bestialité des hommes se réveille. Une mauvaise rencontre et l’expédition se transforme en cauchemar : les quatre amis comprennent vite qu’ils ont pénétré dans un monde où les lois n’ont pas cours. Dès lors, une seule règle demeure : survivre.
Les plus âgés d’entre vous se souviennent sans doute de cette histoire et de son adaptation cinématographique par John Boormann, pour les autres c’est un roman que je vous conseille vivement de découvrir car il y a là tous les ingrédients d’un page-turner assez incroyable.
La confrontation entre la frustration de citadins insatisfaits de leur vie tranquille et l’appel de l’aventure et des grands espaces. La première partie du roman est consacrée à la présentation des personnages, des hommes coincés dans leurs existences pourtant plutôt confortables. Trois d’entre-eux vont suivre aveuglément un quatrième, sorte d’émule halluciné de Jack London et se laisser entraîner dans ce voyage mal préparé, voyant surtout là l’occasion de fuir le train-train quotidien. Le début du roman peut sembler un peu long mais cela est nécessaire pour installer l’atmosphère dans laquelle va baigner le récit et surtout comprendre et s’imprégner de la psychologie des protagonistes.
Il y a ensuite le descriptif des préparatifs de l’expédition, moment un peu fastidieux mais encore une fois important pour la suite du programme et enfin l’aventure commence. A ce moment là l’histoire prend un rythme différent. L’ambiance qui était relativement légère au départ va, au fur et à mesure, basculer dans une lourdeur et une touffeur qui laisse présager que tout ne va pas forcément se dérouler comme prévu. Lentement le malaise s’installe. Ce qui devait être un moment de saine et virile camaraderie et de plaisir sportif va petit à petit virer au pire cauchemar.
La nature fantasmée par les quatre amis va très rapidement se révéler hostile et dangereuse. Les tensions vont arriver et les caractères se révéler. L’expédition devient angoissante d’autant plus que la forêt est loin d’être inhabitée et que les autochtones sont du genre inhospitalier enfin…pour tout dire malsain et franchement hostile. La virée devient alors une véritable chasse à l’homme ou chacun se retrouve tour à tour dans le rôle du chasseur ou du gibier.
L’auteur arrive merveilleusement à installer un climat d’anxiété qui vire par moment à l’horreur pur et simple. J’ai vu le film il y a de nombreuses années mais même en connaissant l’issue de l’histoire, je me suis laissée happée par ce roman et je dois dire que la qualité d’écriture de James Dickey y est pour beaucoup, il y a là une puissance d’évocation qui m’a littéralement emballé et les images qui me sont venues à la lecture du livre m’ont semblées bien plus fortes que mes souvenirs du film (qui est pourtant un monument et pas spécialement une bluette pour enfant).
C’est une excellente idée des Editions Gallmeister de rééditer ce roman publié à l’origine en 1970 et qui a reçu le Prix Médicis étranger en 1971.
Un roman à découvrir et à lire avant peut être de revoir le film…
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