Collection « L’embaumeur » aux Editions Atelier Mosésu
Quand Luc est appelé auprès d’un châtelain milliardaire, il s’attend à une mission ordinaire. Il va vite s’apercevoir qu’à La Pillonerie, on meurt un peu trop souvent, et d’étrange manière. Le petit-fils du maître des lieux a été retrouvé écartelé par quatre chevaux, une pancarte portant l’inscription « Ravaillac » glissée autour du cou. Mort naturelle, selon le médecin de famille…
En route pour une nouvelle aventure de Luc Mandoline, thanatopracteur itinérant de son état et dès le départ le ton est donné. Le premier chapitre s’ouvre sur une conversation téléphonique avec le secrétaire particulier d’Hubert-Louis de Six-Fours, châtelain royaliste et anticlérical. Jusque là rien de bien particulier si ce n’est que ce pauvre homme de secrétaire est bègue et que le dialogue devient rapidement ardu et totalement surréaliste.
Le petit-fils du patriarche, Jean-Baptiste de Six-Fours, a été retrouvé écartelé. Mort violente et particulièrement atroce s’il en est, mais pour autant personne ne semble regretter ou plaindre le jeune homme.
-Vous pensez pouvoir en faire quelque chose de présentable ?
Le vieux m’avait sorti ça comme s’il me demandait un tuyau sur le tiercé du lendemain. Il me regardait droit dans les yeux. Un regard ni hostile, ni amical, ni scrutateur. Il me regardait simplement comme un homme qui a l’habitude de regarder ses interlocuteurs dans les yeux. Présentable… Oui, sûrement, c’était dans mes cordes. A condition de faire preuve de souplesse dans l’interprétation du mot.
- Accordez-moi deux heures et vous aurez un petit-fils relooké en playboy. Cela vous va ?
- En playboy ? Je n’en demande pas tant. Contentez-vous de lui redonner son air habituel de crétin suffisant. Inutile d’en faire des tonnes, c’est du provisoire
Difficile de faire plus indifférent. Le grand-père semble avant tout préoccupé par le chamboulement que cette mort « naturelle sans obstacle médico-légal» peut provoquer dans sa succession.
Et des bouleversements il va y en avoir et pour notre plus grand plaisir ! Luc Mandoline est donc mandaté pour faire les soins de conservation (et il y a du travail) mais également pour mener l’enquête sur ce décès qui, malgré le blanc-seing du médecin de famille, semble tout de même un peu orchestré voire prémédité. Donc il y a bien une intrigue mais il y a surtout une galerie de personnages hallucinants de loufoquerie. Que ce soit Corby le secrétaire particulier, le grand-père châtelain et coureur de jupons, le père de la victime complètement en dehors de tout et évoluant clairement dans une quatrième dimension, Mademoiselle Lacaille, la gouvernante un tantinet excitée et nymphomane, la confrérie « Les Chevaliers du Renouveau » formée par les amis du défunt, des fils à papa arrogants et niais (la rencontre avec Luc Mandoline dans le club fréquenté par cette jeunesse dorée est un vrai morceau d’anthologie), il y a également les deux catcheuses lesbiennes Clara et Vali…et beaucoup d’autres encore. Au fil des chapitres les personnages vont s'enchaîner (se déchaîner aussi d'ailleurs) dans une histoire azimutée servie par une plume agile trempée dans le vitriol.
Je vous le dit, ce petit roman est jubilatoire. Hervé Sard écrit bien, très bien même, c’est une véritable comédie criminelle réjouissante en diable. C’est cynique, quelque fois un brin méchant mais toujours très drôle et décalé. Il y a tout de même une chose qui affleure dans les écrits d’Hervé Sard c’est le regard qu’il porte sur ses personnages, il y a toujours une certaine tendresse, on sent que même les plus crétins ont droit à sa bienveillance.
Ce nouvel opus de l’embaumeur est une franche réussite et je souhaite à son éditeur que les suivants soient du même acabit. Quand à Hervé Sard j’avais vraiment aimé son roman précédent ‘Le crépuscule des gueux » (éditions Krakoen) avec celui-ci je suis définitivement conquise…j’espère donc qu’il s’est remis au travail car j’attends le prochain roman avec beaucoup d’impatience.
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