Éditions L’Ecailler
Les œuvres d’art et de culture – tableaux, sculptures, musées, bibliothèques, orfèvrerie, icônes – ont le don d’élever l’esprit mais aussi d’attirer les passions, les folies, les crimes. C’est à un inventaire spectaculaire de ces évènements fracassants que nous convie Karin Müller, à travers les époques, les pays et les styles ; On saura qui a brisé le nez du Sphinx, quel crime a ordonné « darling » Clementine Churchill ou encore quel prestigieux musée d’art moderne n’avait assuré aucune de ses œuvres. On découvrira la malédiction qui frappe une certaine toile de Rembrandt. On verra où mène le vandalisme stupide ou utopiste, visant Gauguin, Duchamp ou Twombly. On en apprendra aussi beaucoup sur les artistes, le commerce des arts et le célèbre syndrome de Stendhal.
Difficile de parler de ce livre sans dévoiler quelques unes de ces 101 histoires toutes plus rocambolesques les unes que les autres. Certaines m’ont amusé, d’autres m’ont ulcéré, certaines sont connues d’autres ont été beaucoup moins médiatisées, mais ce recueil, outre qu’il est très bien écrit et très divertissant, permet d’entre- apercevoir ce qui se cache derrière tous ces crimes. Le plus étonnant c’est le manque de sécurité sur les lieux d’exposition et la facilité avec laquelle ces vols sont commis. Mais comment concilier le partage de l’art avec une sécurité optimale ? Le plus souvent les voleurs se présentent comme des visiteurs lambda et commettent leur crime pratiquement à la vue de tous. Le roman donne également un sujet de réflexion…beaucoup d’affaires restent non résolues, les œuvres sont souvent retrouvées par hasard et les malfaiteurs rarement attrapés …le crime parfait existe-t’il ? Et que dire des mobiles des crimes ? L’appât du gain ? Certes, mais pas que…Très souvent il s’agit d’un acte d’amour, une volonté de posséder quelque chose qui est devenue la quintessence d’une passion pour certain. Si j’ai une indulgence relative pour ces deux cas, le troisième m’est particulièrement odieux…le vandalisme. La volonté de détruire une œuvre par pulsion ou alors de manière « réfléchie », par conviction – Je pense là aux fameux Bouddhas géants de Bamiyan, pulvérisés en 2001 à cause du fanatisme religieux de quelques barbus incultes.
Dans le genre crapuleux je retiendrais l’épopée d’André Malraux en pilleur de trésors Khmer et l’histoire de Fernand Legros, cet amateur d’art éclairé et organisateur d’une immense escroquerie. L’histoire de l’alsacien Stéphane Breitwieser souffrant de « collectionnite aiguë », véritable Arsène Lupin qui a d’ailleurs fanfaronné ses rapines dans un roman ou celle, assez drôle ma fois, de cette américaine scandalisée par les « Deux Tahitiennes » de Gauguin au point d’en marteler la toile de ses poings. D’autres « agressions » sont perpétuées comme une réponse à l’artiste, voire comme une participation, un manifeste, une touche finale à son œuvre, dans se cas là je ne juge pas, à chacun d’apprécier. On trouve également dans ce recueil, le énième rapt de La Joconde et l’histoire étonnante du « Ronde de nuit » de Rembrandt.
Sans être ce que l’on pourrait appeler une vraie connaisseuse, je me suis toujours intéressée à l’art et à la peinture en particulier, et ce livre m’a ravie.
Deux petits bémol cependant… une illustration pour chaque récit aurait été appréciable et le côté inventaire à la Prévert des histoires peut lasser mais peut-être était-il difficile de procéder autrement.
En bref, tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les crimes les plus fous commis au détriment de l’Art, que ce soit au nom de la passion, de la folie, du mercantilisme, du fanatisme où quelque fois de la bêtise (très dangereuse la bêtise, et souvent destructrice). Un livre-document que j’ai lu d’une traite, mais qui peut également se déguster par petites touches. Un livre bien écrit, souvent avec humour, très bien documenté. 101 histoires affligeantes mais quelquefois drôles, raconté d’une plume experte. Un livre à offrir ou à s’offrir.
留言